Partout
dans nos contrées, on a plutôt le cul vissé à la terre… A quelques exceptions
prêtes, nos familles ne sont pas très voyageuses. Mais pourquoi donc? La
tendance fut longtemps de s’ancrer au port, à prendre racine dans une terre
fertile ou non. Les seuls voyages jamais entrepris s’appelaient exil ou
déménagement, et comme on ne connaissait pas les vacances, prendre la route
n’était souvent qu’une décision prise à la suite de gros ennuis, voir de fuite
en avant, mais jamais une source de joie. Le nomadisme étant pour le coup
considéré comme l’expression du désœuvrement, et de la pauvreté.
Ce
que l’on ressent quand on voyage, que ce soit dans nos belles régions, ou plus
loin à l’étranger, c’est justement, ce principe inhérent au voyage : celui
d’être un étranger. Pour ma part, j’ai presque toujours expérimenté le voyage
dans le bonheur, rencontrant un accueil amical partout où j’ai posé mes roues.
Pourtant, il subsiste une certaine réticence dans nos campagnes, ou la
population locale quelques parts au fin fond du pays basque (par exemple) a du
mal à se lier avec les « touristes ».
C’est
souvent autour de la table, que se « règle » certain différent. En goutant et
en appréciant les spécialités locales.
Le
sourire du serveur Espagnol en dit long, alors qu’au mois d’Août il vous sert
un potage à midi, et que d’un coup vous êtes heureux de lui avoir fait
confiance quand, quelques instants plus tard, vous comprenez qu’il s’agit d’une
soupe froide… En France aussi, les découvertes peuvent être surprenantes, je vous recommanderai entre autre choses de
vous rendre en Alsace et de trouver une ferme auberge ici ou là, et de vous
régalez d’un casse-croute Alsacien qui vous le verrez n’a rien à voir avec un
sandwich SNCF…
Bien-sûr
il arrive de temps à autre quelques déconvenues. Ou plutôt, parfois une
assiette arrive sur la table et vous vous demandez ce qu’il peut bien y avoir
dedans ? Je me remémore ici le jour où cette sympathique grand-mère Ecossaise
nous a servi une assiette fumante de Haggis (pence de brebis farcie) au petit
déjeuner… Et bien finalement nous l’avons apprécié, même aimé car il avait été
préparé avec amour justement… Nous étions en voyage, et la chance nous était
donné de découvrir… A propos de ces quelques désagréments, liés à la bouffe, ou
toutes autres choses qui peuvent être déconcertantes en voyageant, j’aime cette
phrase : « Celui qui veut voir l’arc-en-ciel doit apprendre à
aimer la pluie. »
Ce
que je sais quand je prends la décision d’entreprendre un voyage, c’est que je
ne sais rien…
Donc
autrefois, le voyage était mal vu… Et puis l’été 1936 est arrivé, les congés
payés! Pour beaucoup de familles, (comme la mienne) les premiers voyages se sont
fait à vélo, mon père me re-conta ses premières vacances à l’occasion de la
communion de sa cousine à Renne, en tandem, plus de 300 km. Lui assis sur une
selle que mon grand père avait fixée sur le cadre. Mes grands parents pédalant
plus ou moins joyeusement pendant 10 heures et plus tout de même un peu assisté
par un moteur à galet de marque PP Roussey (sorte de solex)…
Mon père avait 4 ans c’était en 1937…
Bien
avant les premières voitures populaires, même si seulement 10% des français de
l’époque ont réellement profités des deux semaines de congés payés d’alors. Pour
partir en voyage, certains avaient bien entendu pris le train, d’autre leur
bicyclette qui représentait un véritable objet de richesse ! En effet, celui
qui avait les moyens de se payer un vélo avait déjà pas mal économisé.
Enfin il y avait une infime parti de cette
population ouvrière qui a pris la route de vacances improbables aux commandes d’un
véhicule au combien différent…
Celui-là
même qui déjà était original car asymétrique dans un monde où tout est
symétrique ou presque. Un monde où les choses doivent être concrètes. Un véhicule né désuet là où la désuétude
n’avait déjà que très peu de place… J’ai nommé le side-car ! Mais où est cette
désuétude quand après initiation, on songe à découvrir ses prodigieuses « vertues
»…
En
ce temps là, il y avait en France une industrie moto importante, Terrot,
Monet-Goyon, De Dion-Bouton, Peugeot
bien-sûr et tant d’autre… Comme il s’agissait pour bon nombre de motos
utilitaires, donc bonnes à tout faire. Beaucoup de familles modestes ont
attelés ses engins pour partir à l’aventure sur les routes de notre beau pays.
Le problème venant souvent de la faible cylindrée de ces motos, et de leur
manque évident de puissance. Certains motards un peu plus acharnés que les
autres achetèrent les Harley-Davidson réformé par l’armée Américaine et laissée
là après la guerre de 14.
Une
1000 Indian ou Harley-Davidson était finalement vendue à un prix relativement
abordable, et surtout offrait un surcroit de chevaux plus qu’appréciable quand
on vient à atteler. Ceci comparé à une
350 Peugeot, Terrot ou New Map à soupapes latérales ou semi-culbutées, qui sans
leurs faire offenses étaient bien en retrait.
Le
« hic » concernant ces attelages « à l’américaine » venait surtout du
fait qu’elles étaient aussi beaucoup plus gourmandes en pneumatiques et chaînes,
mais surtout en huile et carburant, denrées beaucoup plus rares en France à
l’époque. Surtout déjà beaucoup moins bon marché qu’outre Atlantique…
Andréa
la vielle voisine aujourd’hui disparue m’a dit un jour : « Moi aussi je sais ce
que s’est qu’un side-car ! » Ragaillardie sur le pas de sa porte, elle me vit
débouler avec mon premier attelage au domicile familial. Autour d’un café, du
haut de ses 90 printemps, elle m’a décrit. En vrai Titi Parigos qu’elle était ;
Les aventures d’une mouflette au nez sale, au pays des side-caristes à
papa ! Elle commença par me raconter que les ouvriers qualifiés, pour
partie Parisiens, travaillant dans les usines de sidérurgie étaient
suffisamment argentés pour se payer un side-car! « Tout le monde » partait
direction la Baule avec le pique-nique dans la mal en osier pour les jours de
congés, et les grands Week-end…
Elle-même
emmitouflée dans une couverture avait fait bien du chemin assise sur les genoux
de sa mère à bord du Bufflier « sport » attelé à une 750 Saroléa venu de
Belgique.
Je
lui promis de lui faire faire un petit tour à bord de notre Corsaire,
malheureusement, je n’en ai pas eu l’occasion, après une dernière cabriole,
Andréa se cassa le col du fémur, et fini ses jours dans une maison de repos
sans que je puisse réaliser ma promesse.
Ainsi
Andréa se souvenait très bien que les copains de son père, juste avant guerre
disaient : Le side-car qu’il fallait avoir à l’époque était la 750 Gnôme et
Rhône avec un side-car Bernardet « Avion ». Du haut de ses 30 chevaux avec une
boite 4 vitesses, ce magnifique attelage était capable de propulser une petite
famille toute entière à une vitesse de croisière proche des 110 km/h…
Bien-sûr
plus tard la 2 CV Citroën est arrivée, suivie par la 4L Renault, entraînant
avec elles une ribambelle de voitures économiques qui tuèrent l’industrie moto
française, et par la même occasion les side-cars de grand papa… Il fallut
attendre les années 70 pour voir ressortir ces curieux engins sur nos routes,
mais ça, c’est une autre histoire…
De
nos jours les voyages en side-car, comme à l’époque coûte chère, ce n’est pas
la crise de 1929, mais une autre qui entrave encore les aventuriers en herbe
que nous sommes. Eternelle recommencement de l’histoire ? En tout cas il m’est
doux et bon de savoir que nous résistons à la morosité ambiante en faisant des
projets de voyages. Qu’ils soient au long court, ou de simples balades
dominicales, le temps d’un déjeuné sur l’herbe. Peu m’importe ! Ces voyages
sont pour moi l’expression de la liberté. La soif de découverte de nouveaux
paysages, de nouveaux sourires rencontrés en passant sont des trésors que
j’aime à recevoir…
Phil.
A Andréa et ses belles
histoires.
Et a mon père qui m’a
donné son goût pour les voyages…
Wallace Monument Ecosse |
Bernardet-Peugeot 515 |
mono Sunbeam |
Au pieds du Mont Blanc |
prêt à rouler! |